jeudi 25 mars 2010

Façonnier de l’Ecriture


LE BULLETIN SPORADIQUE DE L’ÉCRIVAIN PUBLIC

MARS 2010



A MINIMA



La bataille de l'orthographe et du vocabulaire est-elle en passe d'être perdue ? On serait tenté de le croire quand on voit les commissions de simplification de la langue française se multiplier. Et on se trouverait conforté dans cette opinion en constatant, forum après forum, l'appauvrissement de notre vocabulaire pourtant si riche de possibilités et de nuances.

Je me souviens d'un lointain professeur qui, déjà à l'aube des années soixante-dix se voyait confronté – selon ses termes – à une bande d'ignares (dont je faisais partie) alors qu'il se rêvait enseignant de culture générale. Mais, pas la culture générale au sens où nous l'entendons aujourd'hui ! Non, au moins celle de "l'Honnête Homme" de l'Epoque classique, ou mieux celle que possédait un "Pic de la Mirandole" de la Renaissance… Eh bien, ce brave homme nous avait appris qu'un berger, confronté à la solitude et… à son troupeau et ses chiens, employait un vocabulaire de 200 mots environ. Je suis sûr que si ce berger revenait parmi nous, il emploierait des termes que nombre de personnes "instruites" ne comprendraient même pas !

La faute à qui ? A quoi ?

Sans doute au premier chef, la faute à la vie actuelle qui pousse à la vitesse, à la rapidité, au "zapping", à la consommation et au jetable… Mais qui fait cette société, si ce n'est les leaders d'opinion et ce qu'on nomme (à tort ou à raison) les "consciences nationales" ?… Vous savez celles qui trouvent que l'étude de l'Histoire à l'école est inutile, celles qui font la promotion incessante de l'image au détriment de l'écrit, celles qui préfèrent de loin vous adresser un SMS ou un mail, plutôt que de s'adresser à vous directement…. Bref, tous les chantres du "toujours plus vite" qui vous répètent à longueur de temps qu'une bonne image vaut mieux qu'un long discours !

Au train où nous allons, il en va de plus en plus des mots comme des hommes. On n'en garde qu'une infime partie au nom de l'utilitarisme et on jette le reste aux oubliettes. Tous consommables. Tous jetables…

Il est certain qu'une société, dont les maîtres-mots sont struggle for life et "moi d'abord tant pis pour les autres" ne fabrique plus que des êtres réduits à leur seule individualité et poussés à l'égoïsme extrême. Cette logique new life n'est pas sans faire penser à celle qui présida à l'abolition des corporations et qui, au nom d'une très théorique "Liberté avec un L majuscule", livra pieds et poings liés des ouvriers plus seuls que jamais à une Caste de puissants toujours plus puissants et plus riches ! Il en va de même pour les mots. Au nom de je ne sais quelle Liberté (de préférence sans majuscule et sans accent !) on est en train de renier des siècles et des siècles d'Histoire qui ont fait que l'homme en est arrivé à un certain degré d'évolution (il ne s'y est pas subitement trouvé par un miracle de la génération spontanée !) et qui ont forgé peu à peu notre orthographe, notre vocabulaire et notre langue dans toute sa richesse et sa diversité.

Quand on commence à tout gérer et à penser "a minima", c'est la civilisation que l'on détruit pierre par pierre…

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